Vous aimez le foie gras, vous allez aimer ça ! 4 décembre

L’association L214 révèle que les grands étoilés de la capitale qui vantent le terroir à des prix astronomiques s’approvisionnent en fait dans ces usines immondes ! Face à la panique, la filière (dont les ventes baissent depuis 2011) a fait son mea culpa et a promis de défendre les petits fermiers. Il était temps, puisque 88 % de la production provient de chaînes de gavage industriel de plus de 1 000 cages…
Cette très symbolique querelle du foie gras résume tous les aspects du débat qui monte sur les souffrances des animaux d’élevage. Les producteurs de foie gras se défendent en rappelant que l’engraissement du foie est naturel chez les oiseaux migrateurs et qu’il s’agit d’une activité traditionnelle en France. Mais leurs usines à gavage multiplient par 10 le poids du foie, au point de rendre tellement difficile la respiration des bêtes que certaines meurent d’étouffement ou d’arrêt cardiaque. Ni les oiseaux migrateurs, ni nos aînés dans les campagnes, n’ont jamais atteint ces chiffres épouvantables.
La grande honte, c’est qu’il existe un foie gras naturel, avec label “bio”, mais qu’il est espagnol ! En Estrémadure, la société La Pateria de Sousa élève des oiseaux en liberté pour un foie gras naturel, vrai produit de luxe vendu à 400 €/kg (et ce n’est pas encore assez cher selon moi !). Elle a été primée en 2006 par le Salon de l’alimentation de Paris. Éleveurs de France, ne nous dites pas qu’on ne peut pas produire autrement sans courir à la ruine !
Double honte française : les cages individuelles étant interdites par l’Europe depuis 1999, les usines à foie gras, chez nous, avaient demandé un sursis, le temps de développer des “alternatives au gavage”… Mais pendant tout ce temps, les producteurs se sont surtout ingéniés à renforcer, par l’industrialisation, leur politique de baisse des prix, ruinant ainsi les petits élevages artisanaux…
D’où la question – y a-t-il un bon élevage ? – qui divise les défenseurs des animaux entre ceux qui, comme L214, militent pour l’interdiction du foie gras et ceux qui prônent le Label rouge, garantie de vie “normale” pour les palmipèdes. Les producteurs, eux, font profil bas parce que leurs conseillers en communication leur ont expliqué qu’ils ne pouvaient plus se contenter de tourner en ridicule les “zamis-des-zanimaux”.
Longtemps, en effet, les lobbies de la bidoche industrielle, fous de tauromachie, sacrificateurs halal et aristos de la chasse à courre pouvaient se moquer des mémères de la SPA et rhabiller Brigitte Bardot en mégère d’extrême droite. Ils ont désormais face à eux un tout autre front allant de Charlie Hebdo à la fine fleur de la philosophie française. Peu avant le coup d’éclat de L214 sur le foie gras, une pétition d’intellectuels qui n’ont pas l’habitude de signer ensemble (dont Elisabeth de Fontenay, Michel Onfray, Alain Finkielkraut, Luc Ferry, Jacques Julliard, Danièle Sallenave, André Comte-Sponville) demandait que le Code civil ne considère plus l’animal comme un “bien meuble” et qu’il lui donne le statut d’être vivant et sensible.
Aujourd’hui, il n’y a donc plus que deux positions tenables : celle qui remet purement et simplement en cause la légitimité de l’élevage et celle, plus consensuelle, qui prône un “élevage éthique assurant une bonne vie et une bonne mort” à l’animal.
Mais, quelle que soit l’option choisie, il faut en finir avec le mangeur de viande qui ne supporte pas de savoir ce qui a été fait à la bête. »